« Si l’œuvre de Morris a, par la suite, été amputée de sa dimension révolutionnaire, cette idée du cadre de vie comme champ unifié de l’activité créatrice a néanmoins animé toute une lignée de mouvements et d’écoles. Je pense au Bauhaus, aux Vhutemas de Moscou, à la Hochschule für Gestaltung d’Ulm, à L’institut de l’Environnement de Paris, au destin tragique de ces institutions. Et je me dis que, décidément, l’environnement est un terrain accidenté sur lequel il n’est pas facile de s’aventurer. » {1}
Cette réflexion de Claude Schnaidt {2}, résume ce qu’il en a été des débats et des institutions pédagogiques qui ont tenté au cours du XXe siècle de créer de nouvelles conditions d’enseignement de l’art, du design et de l’architecture.
En France, dans le cadre de la réforme de l’enseignement de l’architecture {3} dans un contexte de pré-1968, Max Querrien, directeur de l’architecture, met en place une commission des réformes, où parmi d’autres, siégeaient le sociologue Henri Lefebvre et Michel Rocard, des étudiants en architecture comme Pierre Clément, Roland Castro ou Antoine Grumbach. Cette réflexion fera naître L’institut de l’Environnement, « inventé de toutes pièces » selon l’expression de Florence Contenay alors proche collaboratrice de Max Querrien. L’ambition intellectuelle et scientifique se référait aux théories du Bauhaus et de l’école d’Ulm, (en 1968, l’équipe fondatrice s’était rendue à l’école d’Ulm en pleine révolution et au bord de la fermeture). Cette institution cherchait à inventer de nouvelles expériences pédagogiques pluridisciplinaires, à former des enseignants pour les écoles d’architecture et à créer les conditions d’une recherche dans un réseau international à partir de la constitution d’un centre de documentation.
Sur décision du Ministre des affaires culturelles André Malraux, qui a toujours témoigné d’une grande attention à l’architecture contemporaine et au patrimoine, le bâtiment de L’institut de l’Environnement sera construit en moins d’un an, par Robert Joly et Jean Prouvé. Contigu de l’ENSAD, rue d’Ulm, il ouvre ses portes le 17 novembre 1969, au 14-20 rue Erasme, Paris(5è). Offrant 3000m2 de surface disponible, sur cinq étages, il sera conçu selon les techniques industrielles de charpente métallique, hormis le rez-de-chaussée réalisé en technique traditionnelle. Les panneaux industrialisés de Jean Prouvé seront utilisés pour la façade du bâtiment {4}.
Dès le printemps 1971, L’institut de l’Environnement est remis en cause par le nouveau gouvernement {5}. Il est considéré comme un luxe et se développe l’idée que les recherches théoriques sont du ressort de l’université et que celles des praticiens sont faites dans les écoles d’architecture. Ayant attiré des jeunes étudiants ou professionnels qui voulaient être libres et construire des lieux d’expériences pédagogiques, il sera animé en interne par des conflits politiques entre le parti communiste et les gauchistes. L’institut en tant que lieu d’enseignement est dissous tandis que se maintient un noyau de personnes qui se consacrent à la documentation et à la recherche avec l’organisation d’expositions et de colloques accompagnés de nombreuses publications. En 1975, L’institut de l’Environnement est déplacé à Nanterre, pour devenir en 1981, l’IFA (Institut Français d’Architecture).
{1} Regards sur le terrain accidenté des environneurs et des environnés (1972)
Claude Schnaidt. Autrement dit. Ecrits 1950-2001. Infolio éditions 2004.
{2} Claude Schnaidt, architecte, enseignant-chercheur et militant communiste. Issu de l’Ecole d’Ulm, où il a été élève, puis professeur et vice recteur en 1967-1968, il est appelé en 1969 à diriger l’Institut de l’Environnement et continuera à UP1 devenu Paris-Villemain jusqu’à la fin de sa carrière.
{3} L’Etat et l’architecture. 1958-1981. Une politique publique ? Eric Langereau. Préface de Jean-François Sirinelli, Paris, Picard, 2001, 559p.
{4} « Institut de l’Environnement », Richard Klein in Le Moniteur Architecture-AMC ,
n°44/septembre 1993, pp 50-52 « Paris-institut de l’Environnement ». Groupement d’architectes Robert Joly in Techniques et architectures n°5 février 1970, pp 35-38.
{5} « L’institut de l’Environnement va-t-il fermer ? » Antoine Haumont et Claude Schnaidt, directeurs de recherche à L’institut de l’Environnement, Paris. AMC, n°30 novembre 1971, pp XII et XVII