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Polybe

La musique pacifie les mœurs des rustres

Polybe, Histoires , Livre IV , Chap. V, Caractère des Cynéthènes. - Pourquoi ils ressemblent si peu au reste des peuples de l’Arcadie. Traduction de Vincent Thuillier, publié en 1753 chez Z. Chatelain et fils, copie de l’exemplaire de la New York Public Library par Wiki Source.

Polybe, Les Histoires , source Google book

Ces deux pages des Histoires de Polybe sont consacrées à l’introduction de la danse et de la musique chez les Arcadiens, ancêtres de l’historien. Un passage en particulier est reproduit ici (extrait du site : http://remacle.org) :

« Je ne puis me persuader que nos pères par cette institution, n’aient eu en vue que l’amusement et le plaisir des Arcadiens. C’est parce qu’ils avaient étudié leur naturel, et qu’ils voyaient que leur vie dure et laborieuse avait besoin d’être adoucie par quelque exercice agréable. L’austérité des moeurs de ce peuple en fut encore une autre raison, défaut qui lui vient de l’air froid et triste qu’il respire dans la plupart des endroits de cette province. Car nos inclinations, pour l’ordinaire, sont conformes à l’air qui nous environne. C’est de là qu’on voit dans les nations différentes et éloignées les unes des autres une si grande variété non seulement de coutumes, de visages et de couleurs, mais encore d’inclinations. Ce fut donc pour adoucir et tempérer la dureté et la férocité des Arcadiens, qu’ils introduisirent les chansons et les danses, et qu’ils établirent outre cela des assemblées et des sacrifices publics tant pour les hommes que pour les femmes, et des chœurs d’enfants de l’un et de l’autre sexe. En un mot, ils mirent tout en œuvre pour cultiver les moeurs et humaniser le caractère intraitable de leurs concitoyens. »

On peut douter du caractère impartial de la traduction de 1753 reproduite ici. Le vocabulaire choisit – « nation », « coutumes », « inclinations » – est typique de l’esprit d’une époque, qui, au XVIIIème siècle, associe le climat d’une région au tempérament d’un peuple. En 1735, vingt ans avant cette traduction, le naturaliste Carl von Linné publiait Les systèmes de la Nature , dans lequel il élaborait des catégories de race en fonction de « tempéraments », faisant de même, dépendre l’ordre des genres sexués d’« humeurs » corporelles et ainsi, fonde des stéréotypes raciaux dans l’inconscient collectif d’une Nation colonisatrice, faisant passer pour naturelles les conditions de l’esclavagisme proprement historiques. Ainsi la classification des peuples en races déterminées par des facteurs endogènes explique comment le traducteur justifie le tempérament « naturel » des Arcadiens en fonction de leur climat. Cependant, Polybe comme son traducteur s’accordent sans doute sur ce point : la musique pacifie les mœurs des Arcadiens.

Dans ce passage, comme dans Arcadia de Dan Graham, les premières générations ont influencé le caractère de leurs descendants en changeant radicalement de modes de vie et de moyens d’expression. Les ancêtres des premiers arcadiens ont introduit la musique et le chant comme opérateurs de changements définitifs et profonds, tandis que les hippies d’Arcadie ont imposé à leurs enfants une vie communautaire en lien avec une nature idéalisée, naturalisant auprès de leurs descendants des visions utopiques spécifiquement culturelles et contextuelles.

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