Thomas Boutoux : Je souhaitais réaliser cet entretien avec toi pour mieux comprendre comment tu relies les différentes activités que tu mènes, souvent de façon concurrente. J’aimerais discuter avec toi de la façon dont tu articules (ou dont tu réunis) au sein d’une même dynamique ton activité de romancier d’une part, et de l’autre ton travail de critique littéraire, mais aussi d’art et d’architecture, ainsi que tes investissements dans la création de structures indépendantes (communautés, micro-institutions, économies) qui engagent différentes pratiques au-delà de l’écriture : l’édition (avec ta maison d’édition Clear Cut Press) ; l’enseignement (à travers le workshop « Using Global Media ») ; l’organisation de dîners et de conversations collectives (avec « the back room ») ; la gestion de blogs expérimentaux sur Internet ; le commissariat d’expositions. Quelle est la logique de la poly-activité de Matthew Stadler ?
Matthew Stadler : Pour comprendre la logique de ce que je fais, je crois que le mieux est de dire que je suis écrivain. C’est tout. Je traite des choses qui sont importantes pour moi à travers l’écriture. J’aime l’idée de l’écriture : l’autonomie de l’écrivain et celle du lecteur, le fait qu’un texte puisse être ouvert à un ensemble de lectures divergentes. Et je pense que l’écriture dure ; un texte reste stable tandis que son sens s’adapte aux besoins sociaux au fil du temps. J’appelle « fiction » la plupart des choses que j’écris car ce label me permet de faire ce dont j’ai besoin. Ma fiction n’est pas « fabriquée » ; elle est fondée sur tout ce que j’apprends et utilise. Je lis, fais des recherches, voyage, parle avec des gens, rêve, imagine, mens, dis la vérité… tout ce qui m’apparaît nécessaire. Je vois la fiction comme une formidable amnistie épistémologique, une zone franche où toutes les sources de connaissance sont valides. J’écris également des conférences et des essais, dans lesquels je me mets en scène en narrateur et où je me limite aux « faits établis », puisque c’est ce qu’on attend de ces formes-là.
Et c’est ici qu’intervient toute la partie « non-écrite » de mon travail : je n’écris pas pour moi, j’écris pour être lu. C’est un acte social, influencé et informé par d’autres et destiné à d’autres. Pourtant, après avoir écrit quatre romans, j’ai commencé à prendre conscience que quasiment plus personne ne savait encore lire. Nous vivons une époque qui est activement hostile à la lecture, car la lecture est un espace politique puissant, doté de fortes capacités de perturbation. On nous apprend, à la place, à « consommer » les livres ; on nous apprend à les identifier à leurs auteurs ; à clarifier leurs ambiguïtés et à résoudre leurs paradoxes ; à « maîtriser » un texte en l’alignant sur ce que d’autres considèrent comme vrai ; à mettre temporairement de côté le sens que l’on en retire en le décrivant seulement comme « mon interprétation ». Mais mon écriture – beaucoup d’écritures – ne fonctionnent pas de cette façon. L’écriture est un espace social pour des relations et des significations nouvelles, encore non résolues, pleines de paradoxes et de flux, qui ne laissent aucune place à la maîtrise. Ce n’est pas de moi qu’il s’agit ; un texte est un site de significations socialement négociées qui changent en même temps que nous changeons.
Et cela veut dire que je dois, par différents moyens, aider les gens à savoir comment lire. Je publie d’autres écrivains afin que l’espace social s’enrichisse de textes qui parlent aux miens. Je m’intéresse à l’économie de l’édition, car je pense que c’est de là que partent les premiers signaux à propos d’un livre et de ce qu’il signifie : un livre donné à un ami lors d’un dîner n’est pas le même que celui qui est acheté dans une chaîne de librairies. J’organise aussi des dîners avec des écrivains afin d’expérimenter le fait même de lire socialement, imprudemment, collectivement. Ce sont des situations propices à se laisser emporter. Je propose enfin d’examiner cette écologie dans des workshops (pour le moment, uniquement le workshop « Using Global Media ») ; on la commente, on la met en pratique, on s’en sert ensemble, avec d’autres personnes.
Voilà, je suis un écrivain vivant dans une époque où sortir passivement des livres est devenu quelque chose de ridicule. Quelqu’un – tout le monde – doit veiller à l’espace social de la lecture, ou bien les livres pourraient mourir sans avoir rien signifié. Tout ce que je fais à côté de l’écriture est consacré à cela.
TB : Commençons peut être par l’économie de l’édition, dans la mesure où il s’agit du sujet de ce premier numéro de Rosa B. En 2002, tu as créé avec Richard Jensen la maison d’édition Clear Cut Press. L’idée n’était pas seulement de publier des livres que vous aimiez et qui selon vous méritaient de trouver un lectorat, mais également de repenser « le commerce physique de la littérature », comme le dit souvent R. Jensen. Quelles sont les expériences et les observations qui vous ont amenés à créer Clear Cut, et à envisager l’édition et plus encore la distribution d’une manière radicalement différente de la plupart des éditeurs. Pourrais-tu décrire les spécificités qui ont fait de Clear Cut Press un projet viable et durable ?
MS : Rich et moi, nous aimons tous les deux la façon dont les livres durent, le fait qu’ils s’égarent et qu’ils réapparaissent à des époques ou dans des endroits inattendus. Nous avons tous les deux trouvé des livres dans des librairies d’occasion poussiéreuses ; nous sommes tombés dans ce genre d’endroits sur des livres qui se sont avérés importants pour nous, qui étaient passés de main en main et se trouvaient là, cinquante ou cent ans après avoir été publiés. Comment faire pour qu’un livre fasse ce chemin ? Nous savions que sans argent (et nous n’en avions ni l’un ni l’autre), un éditeur doit être astucieux. Il doit imprimer le bon nombre de livres et les diffuser dans le monde d’une façon telle que des lecteurs les guident vers ce type de destinée. Nous ne voulions pas de ces grandes piles de livres qui remplissent les librairies le temps d’une saison, puis sont mis au pilon, et nous ne voulions pas non plus n’en sortir qu’une poignée à éparpiller dans le vaste monde.
La maison d’édition américaine New Directions, fondée en 1924 par James Laughlin, était probablement le meilleur modèle pour nous. Nous souhaitions arriver à quelque chose de similaire à ce qu’ils ont réalisé. New Directions tirait à 1500 ou 6000 exemplaires en moyenne. Ils pouvaient écouler leur stock lentement car Laughlin était riche et pouvait éponger les dettes. Mais surtout, ils avaient de bonnes relations avec quelques libraires importants, comme Gotham Book Mart à New York, et puis les critiques littéraires connaissaient Laughlin et respectaient ses goûts. Ce qui fait que ses livres étaient toujours visibles. Au bout de trente six ans, New Directions a été enfin en mesure d’équilibrer ventes et coûts de production, et l’activité est devenue rentable.
Ils y sont arrivés en publiant de très bons livres, qui résistaient avec le temps, populaires ou non, des livres qui partageaient beaucoup de choses entre eux. Qui plus est, le design de leurs livres était fabuleux, toujours très cohérent. Quand Rich et moi avons commencé, nous avons aligné sur ma longue table les livres que nous trouvions les plus beaux. Au moins une quinzaine d’entre eux étaient des livres de poche publiés par New Directions au milieu du XXème siècle. Clear Cut a cette double ambition : publier de très bons livres, sans se soucier du marché, et avoir un design très fort et très cohérent, et c’est pour cela que nous avons confié le design de nos livres à Tae Won Yu.
Toutefois, les modalités de la vente de livres ont changé depuis l’époque de New Directions. Dans les années 80 et 90, l’excellente maison d’édition High Risk Press, dirigée par Ira Silverberg, faisait la même chose que New Directions, mais elle fut tuée par les retours [des livres par les librairies]. C’est-à-dire que High Risk Press tirait à beaucoup d’exemplaires pour satisfaire la demande d’une grosse chaîne de librairies, Borders Books, qui appréciait beaucoup son travail et souhaitait lui donner accès à un plus grand marché. Mais quand il s’est avéré que Borders n’arrivait pas à vendre les livres, ils les ont retournés par milliers et High Risk a fait faillite en remboursant Borders. Même les petites maisons d’éditions qui ont réussi à survivre financièrement n’ont pas d’autre choix que d’accepter qu’au moins cinquante pour cent des livres qu’elles impriment leur seront retournés, invendus et très souvent endommagés, si bien qu’ils ne pourront plus être vendus.
Notre but était de publier plusieurs milliers d’exemplaires de chaque livre et de n’avoir aucun retour. Nous ne les enverrions qu’aux libraires dont on savait qu’ils seraient capables de les mettre entre les mains de lecteurs. Si on parvenait à n’avoir pratiquement aucun retour, nous pourrions alors vendre les livres lentement tout en faisant du profit. La première chose était de pré-vendre : nous avons proposé nos livres en série et par abonnement. Tout livre envoyé à un abonné était payé et de facto rencontrait un lecteur qui le voulait. La deuxième chose, c’était les commandes par le site Internet : même principe. Troisièmement, nous avons développé des relations avec des personnes qui s’occupaient de librairies que nous estimions et leur avons envoyé nos livres. C’est arrivé très rarement qu’un libraire que nous connaissions personnellement nous renvoie les livres : ils se sont intéressés à notre projet et ont gardé les livres jusqu’à ce qu’ils les vendent. Enfin, nous avons confié une partie du stock à de petits distributeurs qui connaissaient bien notre travail et nos aspirations, comme Small Press Distribution ou Partners West. Nous n’avons pratiquement aucun retour : c’est quelque chose d’assez exceptionnel, et c’est ce qui nous permet d’aller lentement et de continuer.
La lenteur est la bonne vitesse pour les livres. Une critique intelligente d’un livre dans une revue importante fait du bien, en particulier à l’auteur du livre, mais nous, nous destinons ces livres à ce jeune type un peu curieux, qui n’est pas encore né, en train de fouiller dans une librairie dans trente ou cent ans. Si nous plaçons tous nos efforts à séduire le critique ou le journaliste, cela détourne notre attention du travail capital qui consiste à faire arriver les livres entre les mains des lecteurs. Ce travail de longue haleine commence quand nous les expédions et se poursuit en alimentant la conversation autour des livres.
Tout le système des librairies qui se calent sur l’actualité et les comptes-rendus qui sont publiés dans la presse n’est pas adapté à cette vitesse-là. Les critiques exigent toujours de nous les dates de sortie des livres ; ils veulent connaître le jour exact où ils ont étés « mis au monde ». De cette manière, tout le monde peut savoir si les marchandises sont nouvelles ou anciennes. Les librairies veulent savoir ce que nous allons sortir la « saison prochaine » et si nos auteurs de « cette saison » sont disponibles pour partir en tournée. Mais les lecteurs qui aiment les livres perdent la notion du temps. Vous les entendez parler des mêmes livres encore et encore, quelle que soit la saison.
Clear Cut contribue à ces conversations en organisant des évènements publics avec des auteurs, peu importe la saison, et en créant un espace social pour la lecture par différents moyens, sur lesquels je reviendrai certainement un peu plus loin. Nous construisons une communauté de lecteurs intéressés et nous nous efforçons d’irriguer une conversation continue à laquelle nos livres prendront part.
TB : Même si cette question concernerait davantage Richard Jensen, du fait de son implication dans la musique et les labels discographiques K records, Up et Sub Pop, avant de fonder et de diriger une maison d’édition, j’aurais aimé savoir comment tu vois le rôle d’une maison d’édition par rapport au restant des institutions culturelles aujourd’hui. Est-ce que tu penses que le livre et l’édition continuent d’être, au début du XXIème siècle, la technologie et le médium les plus efficaces en termes de ces « capacités de perturbation » dont tu parlais, les plus habiles pour faire s’insinuer des pensées hétérodoxes dans la culture ? Plus que, disons, le magazine, le disque, l’exposition ou le site web….
MS : Les livres sont lents et endurants. J’aime leur vitesse. On peut en enterrer un dans le sol et quiconque le déterrera dans cent ans pourra le lire sans avoir besoin d’un logiciel, d’électricité ou d’un matériel particulier. Ils sont reproductibles en masse. Quatre mille personnes (dans le cas d’un livre de Clear Cut Press) peuvent posséder le livre original. Mais par-dessus tout, et ça n’est propre qu’à la lecture, j’apprécie l’intimité de l’écriture et de la lecture. Il n’y a aucune autre forme qui permette à son créateur et à son récepteur de s’investir de manière totalement privée dans une œuvre. J’aime regarder quelqu’un lire, sourire, puis refermer le livre, sans pouvoir dire un mot. C’est un espace politique particulièrement puissant, unique. En lisant, on arrive à des significations complètement subjectives à partir de quelque chose qui est finalement un espace publiquement disponible.
Pour ce qui est des autres médias, je ne peux pas autant me prononcer. Je suis enthousiasmé par le monde digital. L’internet me fait penser aux zombies. Rien n’est plus activement mort qu’un site web mort. Je sais seulement que les mots dans un environnement digital sont pour moi différents des mots sur une page, et je suis intrigué par les deux ; mais je ne pense pas comprendre quoi que ce soit à la logique du monde digital. J’aime les zombies, cela dit.
J’adore la musique. Je ne pourrais pas vivre sans. J’adore danser. Je crois que mon écriture est en réalité une traduction des impulsions cinétiques que je ressens dans mon corps, une traduction des significations que je suis trop timide ou inapte à exprimer à travers mon corps, et donc à la place, je m’assois à mon bureau, me balance et dodeline, en essayant de mettre des mots sur ces impulsions qui sont essentiellement cinétiques.
TB : Et pour les magazines ? Quelles relations entretiens-tu avec eux ? Tu as travaillé pendant plusieurs années comme responsable littéraire pour une revue, Nest, et tu as contribué de façon assez prolifique à de nombreux magazines ou revues, dans différents domaines, la littérature bien sûr, mais aussi l’art et l’architecture. Qu’as-tu retiré de ces collaborations avec des magazines ? Quel rôle occupent-ils selon toi au sein de l’écologie de la culture ? Et quels sont ceux que tu aimes particulièrement ?
MS : J’aime les périodiques, c’est-à-dire tout ce qui est publié régulièrement pendant un certain temps. J’apprécie l’engagement pris à entretenir une conversation. J’aime aussi leur évanescence et le fait que l’on puisse s’en séparer facilement, ainsi que la grande variété de formes qu’ils peuvent prendre. Mais je pense que je n’ai pas des idées très fortes sur la manière de conduire un magazine. Je lis la London Review of Books, parce que j’aime le style des textes que l’on y trouve. Oh, et puis Veneer, voilà une très bonne nouvelle revue. Je suis abonné à Veneer.
J’écris pour beaucoup de gens, en fait, pour n’importe qui avec qui je prends plaisir à travailler. Ce qui veut dire gratuitement pour des amis qui n’ont pas d’argent, et pour l’argent dans des revues plus importantes et commerciales. Je choisis mes participations en fonction d’intérêts mutuels – est-ce que ce rédacteur en chef souhaite vraiment que j’écrive quelque chose ? Je ne peux pas travailler sur des projets où le rédacteur en chef me demande d’écrire à la manière d’un autre. Je n’ai pas suffisamment de talent pour faire ça.
De toutes mes collaborations avec des magazines, celle avec Nest a sans doute été la plus intéressante. Nest était un magazine de décoration produit avec beaucoup de moyens. Ce n’était pas un guide d’achats conditionné par la publicité, mais plutôt une grande enquête sur la façon dont les gens façonnent leur espace domestique ; un peu comme une sorte de National Geographic, mais pour l’intérieur. Nest était conçu par un groupe de gens, principalement par Joseph Holtzman, son fondateur, graphiste et rédacteur en chef. Moi, j’ai choisi et édité toute la partie écrite du magazine pendant les six années que le magazine a duré. L’idée de Joe, c’était qu’il s’occuperait de toute la partie visuelle, et moi de toute la partie textuelle. Il avait de l’argent, et ne se souciait de rien d’autre que de sa curiosité et de sa sensibilité — les deux étant remarquables —, ce qui fait que Nest n’a jamais subi aucune pression commerciale. Nous nous sommes arrêtés quand nous avons réalisé que nous commencions à placer nos énergies ailleurs que dans le magazine, lui dans sa peinture et moi dans Clear Cut Press ; et nous craignions que Nest ne devienne répétitif – au moins à nos yeux – en continuant.
TB : Parallèlement à tes activités dans le champ de l’édition (comme écrivain, critique et éditeur), tu t’es beaucoup impliqué depuis la fin des années 80 dans l’organisation de situations de conversations collectives formalisées et ce que tu nommes les « médias interpersonnels ». Conçues pour inaugurer des communautés d’intérêts et des relations nouvelles entre les gens, ces situations ont pu prendre la forme de cours privés (que tu organises chez toi), de dîners (comme la série The Back Room conçue dans des restaurants de Portland) ou de workshops (notamment ton workshop « Using Global Media », qui a été proposé dans différentes villes du monde). Il s’agit à chaque fois de situations privées ou semi-privées, selon l’idée que le caractère privé ou limité en nombre de participants de ces situations rend les échanges entre personnes plus productifs que ceux qui sont ouverts à tous ou organisés dans des contextes institutionnels. Quel a été le point de départ de cette pratique ? Etait-ce ces cours privés, que tu as décrits dans un texte récent ( dont take any jobs - reading notes for dont take-any jobs ) comme une forme artistique bien plus que pédagogique ?
MS : Mon expérience, c’est que « des gens ensemble dans une pièce » est une forme de médium en soi, un médium très important. Comme d’autres médias, être ensemble avec des gens dans une pièce change la façon dont on peut penser. On le ressent dans la façon dont notre corps et nos attentions changent quand nous nous asseyons à une table avec d’autres personnes ; on s’en rend compte dans le cours de la conversation que l’on peut avoir avec d’autres personnes assises à une même table. L’expérience physique d’être ensemble dans une même pièce pousse notre esprit à se mouvoir et à inventer différemment de quand nous sommes seuls. Je suis convaincu que ce type de pensée, quand on est plusieurs dans une pièce, est essentiel à la lecture ; c’est la part sociale de la lecture.
Je me suis rendu compte que je pouvais penser, en fonction de l’arrangement d’une pièce et du contexte, avec près de soixante ou soixante-dix personnes à la fois. Je suis certain que des gens plus intelligents que moi peuvent penser avec encore plus de gens en même temps. Les formes que j’ai pu travailler ont été déterminées par les espaces qui étaient disponibles et par mon goût immodéré pour le vin et la nourriture. J’ai ainsi travaillé avec la longue table qui était dans mon studio à Seattle, et autour de laquelle 12 personnes pouvaient s’asseoir ; c’est là que j’ai mené un « atelier d’écriture » pour une douzaine d’écrivains. J’ai travaillé avec deux autres longues tables à Ripe, un restaurant à Portland, où nous avons commencé à faire les dîners « the back room » pour 45-50 personnes.
Pour « the back room », un groupe assez important partage un bon repas et boit sans modération avant d’entamer une conversation avec une personne qui a été invitée spécialement pour la circonstance, autour de son travail ; la plupart du temps il s’agit d’écrivains, mais aussi parfois d’artistes ou même d’hommes politiques. Il y a également de la musique jouée live par des musiciens qui sont eux aussi intéressés par le travail de notre invité. Souvent, nous commandons à ce dernier un texte pour le dîner, que nous publions de sorte que chacun ait sa copie posée devant lui sur la table. Le restaurant Ripe a fini par fermer et « the back room » a déménagé dans une sale gérée par une association macédonienne, au Nord de Portland. Cette salle peut accueillir soixante personnes, assises autour d’une table en forme de U. Dans ma maison à Portland, j’ai maintenant une nouvelle table longue, similaire à celle que j’avais dans mon appartement de Seattle, autour de laquelle j’ai commencé à organiser le workshop « Using Global Media » qui compte une dizaine de participants en moyenne.
Je serais ravi de travailler avec d’autres pièces, et d’autres formes, mais cela comprend tout ce que j’ai fait pour le moment. (J’ai aussi enseigné ou suis intervenu dans différentes situations de conférences ou de symposiums dans des contextes universitaires, mais je n’ai pas vraiment donné de forme particulière à mes interventions dans ce cadre, je dois dire). Comme tu peux le voir, ce sont des formes très simples, très communes. N’importe qui peut le faire. La partie la plus difficile, ou la plus excitante, c’est de faire en sorte que l’espace de la conversation soit vraiment riche et ouvert. Manger et boire facilitent réellement les choses : cela met les gens dans un état d’esprit où ils sont plus confiants, plus relâchés, et établit des bases communes ainsi qu’un esprit de convivialité. C’est plus difficile de faire cela, disons, quand des gens sont assis derrière leurs bureaux dans une salle de classe.
Un autre élément essentiel, c’est l’écoute. Nous en avons déjà parlé ensemble à Tokyo. Souvent, on agit comme si la chose la plus importante à faire était de s’assurer que les gens puissent parler et s’exprimer, mais le problème, c’est que le plus souvent personne n’écoute. On donne une importance exagérée à la parole et, inversement, on minimise celle de l’écoute. Il arrive fréquemment que des gens réunis dans une pièce s’organisent pour parler chacun à leur tour, et donc attendent de façon semi-patiente que leur tour arrive enfin ; dans des forums politiques publics, aux Etats-Unis en tout cas, les hommes politiques se comportent exactement comme cela. S’il y a bien quelque chose pour laquelle George Bush est exemplaire, c’est bien sa capacité à ne pas écouter. Donc, à l’inverse, construire un espace d’écoute, un espace social dans lequel on nous pousse à être présent et réceptif, y compris quand on ne parle pas, est salutaire. Et puis à un moment, on prend la parole, et on emmène la conversation un peu plus loin.
J’essaie de faire en sorte que l’aménagement de la pièce soit simple et familier, car la richesse du temps que l’on passe ensemble paraît profiter de la simplicité et de la clarté des formes que je propose ainsi que de mes attentes. Mais c’est simple comme la calligraphie est simple, au sens où cela requiert aussi une attention, une disponibilité extraordinaire, ainsi que, à défaut d’un meilleur mot, de la « présence ». Je crois que je suis une sorte de formaliste. Dans le workshop « Using Global Media », j’ai fait de ce processus, qui relève de ce que j’appelle les médias interpersonnels, l’un de nos principaux sujets de discussion. C’est une chose difficile à théoriser — et ça n’est peut-être pas très utile ; j’ai écrit sur mon expérience dans mes comptes-rendus de ces workshops que l’on trouve en ligne. Les notes rédigées lors du workshop de Berlin (sur les médias interpersonels , sur les médias matériels , sur les médias digitaux) en mai dernier sont peut être les plus intéressantes à regarder sur ce sujet.
Ce workshop est très simple. Nous nous aidons mutuellement à utiliser les médias pour nous connecter ou bien pour travailler avec d’autres, localement ou à distance. Je pense que les médias peuvent être classés selon trois types : il y a les médias interpersonnels (où le fait d’être physiquement ensemble est nécessaire pour qu’il y ait une connexion, comme un dîner) ; les médias matériels (où un objet matériel est conçu pour pouvoir voyager dans le monde indépendamment de nos corps et nous connecter, comme un livre ou un film par exemple) ; et les médias digitaux (où un espace désincarné, immatériel est créé pour nous connecter à d’autres individus sans que l’on ait aucun objet physique en commun, à travers un site web par exemple). Le workshop est un lieu où l’on peut discuter de cette écologie des medias, mais c’est également un endroit où l’on peut la mettre « en culture », en pratique. Concrètement, on se réunit et on discute tout en mangeant et en buvant ; en outre, on fabrique et on s’échange des choses imprimées, et enfin on contribue à un forum digital. En moyenne, ces rassemblements durent le temps de dix sessions (bien qu’à Berlin nous n’en ayons fait que six), mais le workshop lui-même dure en fait indéfiniment. L’armature digitale demeure et peut être utilisée par n’importe quel membre d’une des sessions. La communauté qui fabrique et fait circuler des objets persiste. Des nouveaux membres viennent la rejoindre à chaque fois que j’organise une nouvelle session là où je trouve des gens intéressés. Dans la mesure où je voyage beaucoup, cela devrait devenir au bout d’un moment un workshop plutôt étendu et réellement global.
Comme pour beaucoup de processus organiques, les résultats peuvent ne pas sembler encore très substantiels. J’ai 30 nouveaux amis, certains avec lesquels j’ai poursuivi les conversations que nous avons entamées lors du workshop. Mais ça ne me dérange pas d’aller lentement avec ce projet. Je pense que la forme est très prometteuse.
TB : Est-ce que tu peux me rappeler comment le projet « the back room » est né ? Comment devient-on écrivain-en-résidence dans un restaurant ? Est-ce que la musique live, le bon vin, et un excellent repas sont les ingrédients essentiels pour penser à plusieurs dans une même pièce ? Quels sont les autres aspects auxquels il convient d’être particulièrement attentif pour rendre une situation telle que celle-ci particulièrement éloquente ? A quel point le déroulement de ces évènements est-il scénarisé à l’avance ?
MS : L’été dernier, j’ai écrit un long texte à propos de « the back room » et je suggère que le lecteur se reporte directement à lui, car je crois qu’il répond assez bien à toutes ces questions. Les soirées ne sont pas scénarisées à l’avance. La plupart de nos sympathiques invités renâclent un peu au début, mais j’insiste pour qu’ils ne préparent rien et pour qu’on ne « répète » pas avant que ça ne commence. L’intérêt du rassemblement est de penser collectivement, en tant que groupe, en étant ensemble et en parlant. Le vertige que ce type de situation un peu « en chute libre » procure peut être un peu déstabilisant, en particulier pour des écrivains connus qui ont l’habitude d’intervenir devant un public. Mais boire et manger les aident à se mettre dans ces conditions.
La table est la chose la plus importante, la table et la disposition. Il faut qu’il n’y ait qu’une seule table. Chaque personne doit pouvoir être vue par tous. A Ripe, il y avait une colonne au milieu de la pièce : j’ai été très content qu’on puisse s’en débarrasser. Et puis, l’hôte doit accueillir chaque personne, individuellement, au fur et à mesure des arrivées, et plus tard, de façon plus formelle, en tant que groupe. Nous faisons toujours un toast.
Pour lire l’essai de Matthew Stadler sur « the back room », cliquer ici (texte en anglais seulement)
TB : A propos du monde digital, j’ai trouvé très intrigant ton blog « Matthew Stadler’s Personal Weblog » quand je suis tombé dessus pour la première fois. J’ai mis du temps avant de comprendre de quoi il s’agissait, et aussi de le situer par rapport au restant de ton travail. Et puis c’est devenu plus clair : c’est une vraie tentative pour libérer l’information et la question de l’auteur – mais pas à la manière dont c’est fait le plus souvent sur Internet, à travers les principes communautaires ou l’utilisation de pseudonymes, etc. Ce que tu essaies de faire, c’est d’invalider totalement la question de l’auteur. Comment marche le blog exactement ? Est-ce que cette expérimentation a permis d’inaugurer de nouvelles relations intéressantes avec une communauté de lecteurs/auteurs ?
MS : Je suis content que tu me poses cette question. Je suis sur le Net une sorte de chose étrange qui se répand, et qui ne ressemble pas beaucoup à ce que je crois être dans le monde réel. Plutôt que de combattre l’image de ce phantasme, j’ai été tenté d’y contribuer. Je ne sais pas trop pourquoi, peut-être à cause de mon impuissance à son égard. Le vertige que je ressens quand je me surprends à exister en ligne est dépourvu de toute dimension morale. Je ne me sens pas violenté ou lésé. Ce « Matthew Stadler » qui palpite en ligne ne me semble pas faux, mais plutôt étranger et énigmatique. Ce n’est clairement pas de moi qu’il s’agit. Et donc, plutôt que de pester contre le phénomène croissant de ce théâtre d’ombres, j’ai été tenté de créer « Matthew Stadler Personal Weblog » [le « Blog personnel de Matthew Stadler »] afin d’y participer. Au lieu d’être un endroit où j’écrirais simplement plus de textes en ligne, ce site me permet de participer à la richesse du « sans-auteur » qu’offre l’Internet. Peut-être que ce genre de sites sont comme les ombres sur le mur de la caverne évoquée par Platon. En tout cas, je me sens insouciant et productif à chaque fois que j’en vois un.
Pour faire vite, mon site fonctionne de la manière suivante : toutes les deux semaines j’envoie une requête sur un forum qui s’appelle Amazon’s Mechanical Turk. Ce forum liste des tâches ingrates que l’on peut faire pour gagner un peu d’argent, très rapidement, en étant en ligne. Tout le monde peut les remplir. Typiquement, il s’agit de rentrer des données dans des formulaires ou d’autres petites choses très simples, comme regarder des images et identifier des objets. Ça paie très peu. Moi, je demande à ce qu’on « écrive un nouveau billet pour mon blog personnel ». Je demande au Turk (c’est-à-dire à la première personne qui découvrira ma requête) de lire les billets précédents et d’en écrire un nouveau. Je paie 10$ et poste le billet sur « Matthew Stadler’s Personal Weblog ». Le nom de l’auteur n’est pas mentionné, mais je divulgue la méthode et en discute ouvertement, en particulier dans les commentaires qui suivent les billets. Il est utile de rappeler, comme tu le fais dans ta question, que je ne « prétends » pas avoir écrit les billets, et que je n’essaie pas davantage de faire de cet exercice le prétexte d’une réflexion autour de l’écriture sous pseudonyme ou d’autres formes de mascarades. Mon « blog personnel » est libéré de toute notion d’auteur grâce au Mechanical Turk. Les textes ne renvoient pas à la biographie de qui que ce soit. Je paie un peu d’argent pour libérer le texte de ce type d’obligations. Il n’y a absolument rien de cynique là dedans, je le jure, mais c’est peut-être un acte désespéré. Sur mon « blog personnel », je peux mettre en commun le produit de ces nouvelles relations qui nous sont offertes par les médias digitaux.
TB : Sur quoi travailles-tu en ce moment ? Je sais que tu as quitté temporairement la côte Nord-Ouest des Etats-Unis pour t’installer au Mexique, afin de trouver du temps pour écrire deux nouveaux livres, un nouveau roman d’une part, et de l’autre un livre ayant plutôt trait à l’urbanisme, dont tu avais un peu parlé à Paris l’an dernier. Pourrais-tu m’en dire un peu plus sur ces deux chantiers ?
MS : Cette année, j’ai mis beaucoup de choses de côté pour pouvoir écrire. Entre autres, j’ai laissé Clear Cut Press à Rich Jensen. Après avoir fini de préparer la seconde série de livres de Clear Cut Press (six livres qui vont sortir au cours des deux prochaines années), et parce que j’ai du mal à supporter certains aspects un peu pénibles liés au côté commercial de l’activité, j’ai cédé à Rich mes cinquante pour cent de la maison d’édition. C’est vraiment lui qui possède cet esprit créatif et entrepreneurial dont il faut être équipé pour évoluer dans le « commerce physique de la littérature ». Ma meilleure contribution à Clear Cut était celle d’un éditeur capable d’identifier des auteurs importants pour nous et travailler avec eux. J’avais fini ce travail sur nos livres à paraître lors des deux prochaines années, et j’ai pensé qu’il valait mieux laisser à Rich le soin de prendre seul les décisions commerciales sans avoir à me traîner comme un boulet. Je pense que c’était une bonne décision, pour moi comme pour la maison d’édition — nous verrons. Je continue de travailler avec Clear Cut en tant qu’éditeur pour deux anthologies de textes : la première, qui vient juste de sortir, c’est The Back Room : An Anthology, et la seconde, qui aura pour titre Zwischenstadt Reader, sera un recueil de textes importants sur la « zwischenstadt », terme inventé par Thomas Sieverts pour décrire les nouveaux paysages urbains qui ne sont pas organisés de manière concentrique, également appelés « dispersions urbaines ».
Le concept de « zwischenstadt » me fascine parce qu’il offre une description non-péjorative des paysages que j’ai toujours connus dans ma vie et qui semblent proliférer à travers le monde. J’ai été poussé à faire ce travail parce que je me suis toujours demandé pourquoi les villes où j’ai grandi n’ont pas de centre, pourquoi elles aspirent à ressembler aux villes européennes, mais y échouent toujours, souvent de façon pathétique. L’histoire de ces efforts est courte mais brillante. Qu’est-ce qui a précédé cette litanie d’échecs ?
Sieverts définit la zwischenstadt (qui signifie littéralement « entre-ville ») comme un paysage qui n’est ni ville ni campagne, mais les deux à la fois, et qui ne serait structuré ni par les forces globales, ni par les seules particularités locales, mais par les deux à la fois. Dans l’histoire de la ville (disons, de celle où je vis, Portland) cette condition est lue comme une tragédie – la dissolution de l’ancienne ville concentrique, la disparition des « coins » locaux sous la poussée des forces globales. Mais je me demande si la zwischenstadt ne serait pas une condition avec son histoire propre, et pas seulement l’absence tragique d’un autre idéal. Sieverts donne une typologie de la zwischenstadt qui nous permet de la regarder autrement que comme un échec. Il s’agit, selon ses propres termes, de « n’importe quel environnement dans lequel les spécifications de lieux opérés par les états-nations, les villes et les communautés sont fortement influencées par les actions internationales et le marché global, où la vitesse d’information et les connections de transport ont rendu floue la notion d’espace, au point que le contraste entre la ville et la campagne s’est dissous dans un continuum ville-campagne ».
Il s’agit de conditions dont on peut trouver ou non des preuves dans n’importe quelle période de l’histoire. Et donc, j’ai fait des recherches sur l’histoire de la zwischenstadt, en particulier dans la région connue sous le nom de Beaverton, Oregon, qui est une des « banlieues » de Portland en pleine expansion. C’est une ville avec une longue histoire, qui commence bien avant celle de la ville concentrique. Mon intuition est que nous pouvons mieux comprendre et vivre dans cette condition à partir du moment où nous possédons de meilleures descriptions et représentations de sa logique et de son histoire. Sieverts suggère que ce qu’on appelle “le problème de la dispersion” ne sera pas résolu par une meilleure architecture ou une meilleure planification urbaine. Ce qu’il nous faut, dit-il, c’est un meilleur art. La crise n’est pas le produit d’une mauvaise architecture ; c’est une crise de l’imagination. Les descriptions nostalgiques des centres européens et les prêches contre la laideur des banlieues ne nous aident en rien. La zwischenstadt a besoin d’un art et d’une littérature à elle, qui nous permettront d’y vivre mieux et plus pleinement.
Mon anthologie sur la zwischenstadt compile la littérature produite sur ces paysages. Une partie est assez ancienne (des journaux des premiers trappeurs de la Colombie Britannique, par exemple) ; une autre est très récente (Sieverts ; Lee Williams, dont le roman After Nirvana explique la logique de ce paysage radicalement hétéroclite). L’anthologie existera en conjonction avec une exposition de contributions artistiques sur la zwischenstadt, organisée par Stephanie Snyder, de la Colley Gallery/Reed College, à Portland. Et, parallèlement à ce travail, j’écris mon propre livre, qui contribuera, je l’espère, à cette littérature grandissante.
TB : Il s’agira d’un roman ?
MS : Oui, pour toutes les raisons que je donnais au début cet entretien. C’est un sujet difficile à traiter selon les conventions d’écriture d’un essai. Je me demande même si les conventions égocentriques de la non-fiction et l’idéologie de la ville concentrique ne sont pas cousines. Je veux dire, le besoin d’un narrateur clair et auto-identifié, et l’organisation hiérarchique de la vérité et des faits. J’ai besoin de trouver une meilleure forme, et la fiction va me le permettre.
Matthew Stadler est un romancier américain né à Seattle en 1959. Il est l’auteur de quatre romans : Landscape : Memory, The Sex Offender, The Dissolution of Nicholas Dee et Allen Stein, son dernier, publié en 1999 par Grove Press. Considéré, par beaucoup de ses pairs ou par des critiques éminents, comme l’un des écrivains américains les plus importants de sa génération, Stadler reste cependant l’un des « secrets les mieux gardés » de la littérature contemporaine : ses livres n’ont jamais fait l’objet de traductions, et sont, pour les premiers du moins, difficilement trouvables, y compris dans son propre pays. Le destin que l’œuvre littéraire de Stadler a connu jusqu’ici fournit une (nouvelle) preuve des effets ravageurs des phénomènes de marchandisation et de commercialisation qui sont à l’œuvre dans l’espace littéraire contemporain.
Matthew Stadler n’est toutefois pas un inconnu pour le monde de l’art. Il est l’auteur de nombreux essais et articles critiques publiés dans des revues d’art et d’architecture telles que Domus, Artforum, ou Volume ou des catalogues d’exposition, et il prend part régulièrement à des projets ou évènements artistiques organisés aux Etats-Unis, en Europe ou en Asie. Mais, avant tout, Stadler est sans doute reconnu comme un des activistes culturels les plus importants de la région de côte Nord-Ouest des Etats Unis (Portland, Seattle, etc.), quelqu’un qui s’ingénie, par différents moyens et à travers une multiplicité de pratiques, à enrichir ce qu’il appelle « l’imagination civique » : en fondant une maison d’édition ; en organisant des cours et des workshops autour de la table de sa cuisine ; en ouvrant une librairie éphémère ; en définissant des situations originales dans lesquelles des artistes et des écrivains prennent la parole, en particulier des dîners.
Dans cet entretien, réalisé par email entre Paris et Mexico en novembre 2007, Matthew Stadler revient sur ses sources d’inspiration et parle des modalités pratiques de ses différentes activités. A travers ce texte, se dessine également une figure de l’intellectuel public d’aujourd’hui : quelqu’un qui est moins intéressé par la reconnaissance institutionnelle ou médiatique que par les idées et la politique du « Do-It-Yourself ».
Thomas Boutoux